Le projet de modernisation de la rue Notre-Dame

Le 8 janvier 2002

Commentaire de Vélo Québec présenté au BAPE

Vélo Québec en bref…

Fondée en 1967, Vélo Québec est un organisme privé sans but lucratif qui a pour mission d’encourager et de faciliter la pratique libre et sécuritaire de la bicyclette à des fins de loisir, de tourisme et de transport. Ses actions se développent dans une perspective d’amélioration du cadre de vie et de protection de l’environnement urbain et rural. On lui doit la création d’une maison d’édition (Éditions Tricycle), publiant notamment les magazines Vélo Mag et Géo Plein air et il est à l’origine du Tour de l’Île de Montréal.

Vélo Québec est reconnu pour son expertise technique dans le domaine de la planification et de la recherche, notamment par la publication du Guide technique d’aménagement des voies cyclables (Technical Handbook of Bikeway Design) et celle plus récente de L’état du vélo au Québec en 2000 (Bicycling in Québec in 2000). On reconnaît également à Vélo Québec son rôle d’animateur du milieu de la planification cycliste par l’organisation, chaque année, de conférences, colloques et rencontres techniques.

Depuis 1995, Vélo Québec coordonne la réalisation de la Route verte, en collaboration avec le Gouvernement du Québec, le ministère des Transports des Transports et des partenaires régionaux. La Route verte est un itinéraire cyclable qui, en 2005, traversera le Québec sur plus de 4000 kilomètres. Il pilote également depuis 1998 le projet de Réseau vélo métropolitain, une initiative appuyée par le ministère des Transports des Affaires municipales et de la Métropole qui vise à accroître la part modale du vélo dans le déplacement des personnes.

Le vélo à Montréal

La présence notoire de cyclistes dans les rues constitue l’un des phénomènes qui marquent le Montréal d’aujourd’hui. Les quelques éléments qui suivent donnent un aperçu du phénomène.
On évalue à plus de 1,1 million le nombre de bicyclettes possédées par les ménages de l’île de Montréal. Le nombre d’utilisateurs de ces bicyclettes s’élève à 710 000. Ces 710 000 cyclistes se répartissent ainsi :
A. 560 000 sont des adultes et ils représentent 42 % des 18 à 74 ans résidant sur l’île de Montréal ;
B. 150 000 ont moins de 18 ans et ils représentent 65 % des enfants résidant sur l’île.

Entre l’après-guerre et les années 1960, la bicyclette a surtout été un jouet d’enfant. C’est au cours des années 1970 que le nombre d’adultes adeptes du vélo est devenu dominant. Ce vieillissement des cyclistes s’est accompagné d’une découverte du vélo comme véhicule urbain.

Ainsi, près de 145 000 résidents de l’île de Montréal, soit 26 % de tous les cyclistes adultes, déclarent se servir de leur vélo comme d’un moyen de transport. Dans certains quartiers centraux de Montréal, la bicyclette est utilisée dans 11 % de tous les déplacements pendant l’été.

La saison de vélo s’étend habituellement de la mi-mars à la mi-décembre, avec une période de pointe entre mai et septembre. Néanmoins, on retiendra que plus de 50 000 adultes résidant sur l’île de Montréal déclarent se déplacer en vélo entre décembre et mars.

Montréal est l’hôte d’événements cyclistes de grande réputation. Au premier chef, on citera le Tour de l’Île et le Tour des Enfants qui, depuis 1999, sont mis en marché sous le nom de Féria du vélo du Montréal (Montréal Bike Fest). L’île est aussi le théâtre de grandes compétitions internationales qui ont la singularité de se dérouler habituellement sur le mont Royal.

La réputation de Montréal comme ville cycliste se répand depuis une dizaine d’années. En 1992, Montréal a été l’hôte d’une retentissante conférence d’envergure mondiale portant sur l’intégration du vélo dans les politiques de transports. En 1999, le prestigieux magazine américain Bicycling a couronné Montréal première ville cyclable d’Amérique. Des journaux aussi importants que le Boston Globe et le New York Times ont consacré des articles importants vantant les charmes de Montréal sur deux-roues. Tourisme Montréal inscrit maintenant le vélo dans les atouts qui font de Montréal une destination urbaine incomparable.

Le contexte de notre intervention

L’intervention de Vélo Québec se situe d’abord et avant tout dans le contexte de la relation entre le projet de modernisation de la rue Notre-Dame et le parachèvement d’un réseau cyclable continu sur l’île de Montréal. Le corridor de transport présentement à l’étude est identifié depuis 1995 à l’intérieur du schéma préliminaire de la Route verte et, depuis 1998, à l’intérieur de la planification du Réseau vélo métropolitain. Or, toute intervention dans ce corridor a des impacts sur la liaison par vélo entre l’est de Montréal et le centre-ville. Cette liaison a une triple fonction : transport, loisir et tourisme.

Nous sommes également préoccupés par les effets de débordement de la circulation de transit qui pourraient survenir quelques années après le réaménagement de la rue Notre-Dame. Nous croyons qu’il serait sage d’inclure cette préoccupation dans le projet actuel. Nous y revenons plus loin dans la rubrique ” Sécurité des piétons et des cyclistes dans les quartiers “.

1- La continuité du réseau cyclable de Montréal

A) La situation actuelle

Piste cyclable de la rue Notre-Dame – tronçon en site propre
La piste cyclable de la rue Notre-Dame est en service entre la rue de Lorimier et la promenade Bellerive depuis 1985. Ce tracé s’inscrit dans le réseau de base de la Ville de Montréal au même titre que l’axe Nord-Sud et la piste Est-Ouest du boulevard Gouin, en bordure de la rivière des Prairies.
Sur le tronçon touché par le prolongement de l’autoroute Ville-Marie, à partir de la rue de Lorimier à la rue Sainte-Catherine, la piste d’une largeur de 3 mètres est aménagée dans la bande verte de l’emprise prévue à l’origine pour l’élargissement et le parachèvement de l’autoroute Ville-Marie. À l’est de l’avenue De Lorimier, à la hauteur de la rue du Havre, une passerelle permet le passage au-dessus des voies ferrées du CP. Aux différents carrefours, en poursuivant vers l’est, la piste se rapproche de la rue Notre-Dame et croise chaque rue au passage piéton. À l’extrémité est de ce tronçon, la traversée des voies du CN se fait à même le viaduc routier, sur le trottoir nord. À l’exception des traversées de carrefours, de certains problèmes de visibilité (végétation et courbes) l’ensemble du tronçon De Lorimier-Sainte-Catherine fonctionne assez bien.

Piste cyclable de la rue Notre-Dame – tronçon sur trottoir
À partir de la rue Sainte-Catherine, en direction Est jusqu’à la rue Dickson, la piste est aménagée à même le trottoir nord de la rue Notre-Dame. De la rue Dickson jusqu’à la rue de Boucherville la piste emprunte le trottoir sud. À partir de là, jusqu’à la promenade Bellerive, la piste passe sur une bande de terrain juste au sud du trottoir. Ce tronçon n’est pas touché directement par le projet de modernisation de la rue Notre-Dame, mais est sans doute celui nécessiterait les plus importants correctifs afin de permettre une circulation cycliste sécuritaire et confortable.

Piste de la rue Souligny
Ce tronçon de piste, entre la rue Montsabré et la rue Haig (du côté nord de l’emprise), a été complété à l’été 1999 par le ministère des Transports, dans le cadre du réaménagement de la rue Souligny. À condition que puisse être utilisée l’emprise du CN située à l’Ouest du boulevard de l’Assomption, ce tronçon de piste peut éventuellement devenir un des maillons d’une liaison entre le marché Maisonneuve (piste Bennett) et la promenade Bellerive. Actuellement, ce tronçon n’est pas relié au reste du réseau actuel et reste par conséquent peu connu et peu utilisé.

Piste Bennet/Morgan
Dans l’axe des rues Bennet et Morgan, un aménagement cyclable relie le parc Maisonneuve à la piste de la rue Notre-Dame.

B) Le projet du ministère des Transports

Le projet de modernisation de la rue Notre-Dame, tel que soumis aux présentes consultations, prévoit le maintien d’une piste dans l’emprise de la rue Notre-Dame, mais brise l’actuelle continuité :

Piste de la rue Notre-Dame – continuité vers l’est.
Dans la proposition du ministère, la piste de la rue Notre-Dame est interrompue aux voies ferrées du CN. La piste actuelle, entre les voies ferrées du CN et la rue Dickson, ne se retrouve pas sur les plans du projet actuel. Deux nouvelles intersections sont également ajoutées : une bretelle d’accès et un prolongement de la rue l’Assomption. Dans les deux cas, la géométrie proposée avec des bretelles de virage à droite, risque de créer des situations conflictuelles entre cyclistes et automobilistes.
Piste de la rue Notre-Dame – continuité vers l’ouest.
Dans la proposition actuelle du ministère des Transports, la piste de la rue Notre-Dame se raccorde avec la piste du boulevard René-Lévesque. Cependant, aucun lien direct n’est prévu vers le Vieux-Montréal comme c’était le cas dans des versions précédentes du projet.

Piste de la rue Souligny
Dans la proposition actuelle, la piste de la rue Souligny est prolongée dans l’emprise abandonnée du CN jusqu’au marché Maisonneuve. Des discussions lors de la séance du Bureau d’audiences publiques sur l’environnement du 20 novembre (lignes 2146 et suivantes de la transcription) révèlent que ce raccordement ne faisait pas partie du projet et qu’un financement extérieur devra être trouvé pour que ce tronçon se réalise. Par ailleurs, aucun raccordement n’est prévu à l’ouest entre la piste de la rue Souligny et la piste de la rue Notre-Dame, non plus que d’extension vers l’est au-delà de l’échangeur Hochelaga.

Les intersections
Dans la proposition du ministère, la piste cyclable comporte davantage d’intersections avec le réseau routier que la situation actuelle (20 intersections contre 12 en ce moment sur le tronçon entre l’avenue De Lorimier et la voie ferrée du CN). Malgré le fait que plusieurs de ces nouvelles intersections soient avec des rues locales à faible circulation, il y a donc augmentation du nombre de zones de conflits. Les plans dont nous pouvons disposer actuellement n’ont pas le niveau de détails requis pour juger du traitement des avancer qu’au minimum les intersections entre la piste et les rues Alphonse-D.-Roy, Bourbonnière, Pie-IX et Viau, pour être sécuritaires, mériteraient un traitement particulier. D’autres problèmes de franchissement sont également à prévoir avec les deux nouvelles intersections créées entre les voies ferrées du CN et la rue Dickson, dont une des deux est le prolongement de la rue l’Assomption.

2- Sécurité des piétons et des cyclistes dans les quartiers

Actuellement, la congestion sur la rue Notre-Dame entraîne un débordement de la circulation de transit vers les rues parallèles que sont Sainte-Catherine, Ontario, Hochelaga et même Sherbrooke. Cette circulation accrue dans les quartiers limitrophes nuit à la sécurité des déplacements cyclistes et piétons. Selon l’étude d’impact présentée par le ministère des Transports, la nouvelle route supporterait lors de son ouverture 25 % plus de véhicules sur le tronçon le plus chargé (vis-à-vis Iberville/Frontenac) (page 16) et permettrait de canaliser à l’extérieur des quartiers la circulation de transit.

Par contre, un effet connu de l’augmentation de la capacité routière est, à moyen et à long terme, une augmentation du nombre de véhicule en circulation. Cette augmentation globale de la capacité routière va inciter de nouveaux navetteurs à utiliser leur voiture. En quelques années, les effets de débordement pourraient être de retour. D’où l’importance de prévoir dès maintenant des mesures pour décourager la circulation de transit dans les quartiers suite à l’ouverture de la voie rapide Notre-Dame et ainsi réduire les effets de débordement. Les concepts d’apaisement de la circulation comme les zones 30 et la réduction du nombre et de la largeur des voies, devraient être intégrés au projet de façon à appuyer l’effet bénéfique de canalisation de la circulation que devrait avoir, non seulement à court terme mais aussi à long terme, la nouvelle rue Notre-Dame.

Recommandations

  1. Assurer la continuité de l’axe 5 de la Route verte et du Réseau vélo métropolitain.
    La piste de la rue Souligny devrait être reliée au reste du réseau et rejoindre les deux pôles que sont le marché Maisonneuve et la Promenade Bellerive. Pour rejoindre la Promenade Bellerive, deux obstacles importants doivent être franchis : l’autoroute 25 et les voies existante du CN. Pour rejoindre le marché Maisonneuve, l’emprise abandonnée du CN doit être aménagée.
  2. Réduire le nombre de croisements entre le réseau cyclable et le réseau routier
    Les intersections entre le réseau cyclable et le réseau routier sont sources de conflits. En plus d’en réduire le nombre, le projet devrait prévoir un traitement particulier pour les intersections importantes qui sont inévitables, soit Alphonse-D.-Roy, Bourbonnière, Pie-IX, Viau, la bretelle d’accès à l’est de la voie du CN et l’intersection avec le boulevard de l’Assomption.
  3. Des liaisons cyclables à préserver et à créer
    Un aménagement cyclable doit être maintenu dans l’axe de la rue Notre-Dame à l’Est des voies ferrées du CN. De par sa localisation et sa géométrie, il ne fait nul doute que l’aménagement actuel doit être entièrement revu.
    Un raccordement vers le Vieux-Montréal devrait être prévu à partir de la rue Notre-Dame pour permettre une continuité avec les aménagements du Vieux-Port et du canal de Lachine.
  4. S’assurer, à long terme, de la préservation de la sécurité des piétons et des cyclistes dans les quartiers limitrophes
    Il serait pertinent de prévoir dès maintenant des mesures de modération de la circulation dans les quartiers limitrophes, de façon à canaliser à court et à long terme la circulation sur la nouvelle rue Notre-Dame.

Références

MINISTÈRE DES TRANSPORTS (2001). Modernisation de la rue Notre-Dame, Étude d’impact sur l’environnement déposée au ministre de l’environnement, Résumé.
LABREQUE, MICHEL (1997). Le cocktail transport, la solution pour freiner le déclin du transport en commun.
VÉLO QUÉBEC (2001). L’état du vélo au Québec en 2000.
VÉLO QUÉBEC (2001). Le vélo pour la ville.
VÉLO QUÉBEC (1995). D’une pierre deux coups, La promotion du cocktail transport: une façon d’économiser de l’énergie et de préserver l’environnement, Mémoire présenté par Vélo Québec au Débat public sur l’énergie.
VÉLO QUÉBEC (1992). Guide technique d’aménagement des voies cyclables, 2e édition, 1992.

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