Infractions à vélo : le mythe de l’égalité

Suzanne Lareau
Le 1 septembre 2019

Tout récemment, au plus creux de l’été, nous apprenions qu’il s’émettait à Montréal 42 fois plus de contraventions aux cyclistes qu’à Toronto, soit un peu plus de 12 000 annuellement. En 2018, c’est le montant des infractions cyclistes qui faisait la manchette, après avoir connu une hausse de plus de 400% lors de l’entrée en vigueur du nouveau Code. À la vue de ces données, le lecteur non averti pourrait supposer que le cycliste québécois, et montréalais en particulier, représente pour ses concitoyens un terrible danger, auquel les autorités ont enfin décidé de s’attaquer.

Et pourtant…

Pourtant, le bilan routier des cyclistes est en constante amélioration depuis une dizaine d’années. Bien que les Québécois.es soient de plus en plus nombreux à enfourcher leur vélo, et malgré l’augmentation du nombre de véhicules sur les routes, le nombre de victimes blessées ou tuées à vélo est à un creux historique et nous souhaitons bien évidemment que ce chiffre continue de baisser.

Pourtant, ce sont encore et toujours les véhicules automobiles, et en particulier les camions, qui tuent sur nos routes : en 2018, le nombre de décès impliquant un véhicule lourd a cru de 5% par rapport à 2017. Et ce sont encore et toujours les usagers vulnérables qui font les frais de l’insécurité routière : les piétons, en particulier de plus de 65 ans, sont de plus en plus nombreux à décéder sur nos routes. Une tendance que ne réussissent pas à enrayer les 23 000 constats d’infraction remis annuellement aux piétons montréalais…

On est alors en droit de se demander : les nombreux constats aux cyclistes sont-ils vraiment la meilleure façon d’améliorer la sécurité routière?

Clarifions tout de suite : Vélo Québec ne s’est jamais opposé aux contraventions émises aux cyclistes pour des comportements clairement risqués (non-respect des feux rouges, absence d’éclairage la nuit, dépassement dangereux…). Nous dialoguons constamment avec le SPVM pour l’aider à orienter ses actions auprès des cyclistes. Soulignons d’ailleurs les bons coups que sont les opérations «Troque ton ticket» et la mise en service d’appareils permettant de mesurer la distance de dépassement des cyclistes. Reconnaissons également qu’à Montréal, ville vélo à l’échelle nord-américaine, les cyclistes font depuis longtemps l’objet de l’attention des services policiers.

Pour autant, ne sommes-nous pas mûrs pour avoir une discussion plus profonde sur les priorités et principes qui devraient guider les interventions en matière de sécurité routière?

Il faudrait pour cela enterrer le mythe de l’égalité entre différents usagers de la route, brillamment déconstruit dans ce récent article australien. Lors de la révision du Code de la sécurité routière en 2018, Vélo Québec avait fait valoir que c’est un principe d’équité qui devrait plutôt prévaloir. Forcer un cycliste à s’immobiliser complètement à un arrêt obligatoire, conçu pour ralentir la circulation automobile, nous paraît contre-productif. Nous continuons donc à demander que les arrêts puissent être traités par les cyclistes comme des cédez-le-passage. Non pas que les cyclistes aient le droit de traverser l’intersection à vive allure, mais plutôt qu’ils cèdent le passage à l’usager qui est arrivé en premier à l’intersection et donnent une priorité absolue aux piétons. Nous militons aussi pour que les cyclistes montréalais puissent faire des virages à droite aux feux rouges. Le VDFR a été interdit à Montréal afin de protéger… piétons et cyclistes.

Nous faisons le pari que lorsque le Code de la sécurité routière sera ainsi adapté à la réalité des cyclistes, ces derniers y adhèreront et le nombre de contraventions diminuera! Les forces policières pourront alors se concentrer sur la cause réelle de l’insécurité routière, soit les gens au comportement dangereux pour autrui, et ce, peu importe leur mode de déplacement.

Bonne rentrée!

Suzanne Lareau
présidente-directrice générale

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