Dans le tourbillon des débats électoraux, on parle souvent d’aménagements, de budgets, de chiffres. Mais derrière chaque piste cyclable, il y a des visages, des vies. Et pour plusieurs, ces infrastructures peuvent littéralement changer leur vie : elles ouvrent de nouvelles façons de se déplacer, de bouger, de vivre la ville.
Ce sont des histoires qu’on n’entend pas assez.
Une amie m’a récemment écrit pour me raconter la sienne. Elle habite un quartier où des pistes cyclables ont été aménagées. En 2021, elle élevait quatre jeunes enfants de quatre ans et moins, avec une minivan et un stationnement sur rue. Cycliste elle-même, elle redoutait pourtant l’arrivée des pistes : elle craignait de perdre ses espaces de stationnement et de devoir marcher de longues distances avec des bébés dans les bras et des tout-petits à peine capables de suivre.
Et pourtant, la catastrophe annoncée n’a pas eu lieu.
Les anciens espaces avaient disparu, certes, mais d’autres se sont libérés — même en hiver — et pas vraiment plus loin. Puis la vie a suivi son cours.
Deux ans plus tard, alors qu’elle cherchait à retrouver un équilibre dans son quotidien, elle a décidé d’essayer le vélo, même en hiver. Ce fut une révélation. Le vélo est devenu son souffle, sa liberté, son moment à elle. Il a transformé ses journées, son humeur, sa santé physique et mentale.
Aujourd’hui, elle craint que certaines décisions politiques ne viennent compromettre ce fragile équilibre, cette nouvelle façon d’habiter la ville.
Quelques jours plus tard, j’ai croisé M. Brault, 85 ans, à la sortie d’une boulangerie.
Son vélo à la main, il m’a raconté qu’il pédale tous les jours, beau temps, mauvais temps.
Il connaît le réseau cyclable par cœur : ses détours, les travaux, ses pistes préférées. À travers ses trajets, il redécouvre la ville, un coin de rue à la fois.
« Le vélo, c’est ma façon de combattre l’ennui, » m’a-t-il confié. « Et de rester curieux. »
Ces deux voix n’ont rien en commun — sauf le vélo.
L’une y a trouvé un équilibre dans le chaos du quotidien ; l’autre, un moteur de liberté et de curiosité.
Avec l’arrivée de centaines de nouveaux élu·e·s à travers le Québec, c’est le moment de leur raconter vos histoires. Ces femmes et ces hommes veulent entendre ce que le vélo change dans nos vies — et ces récits comptent plus qu’on ne le croit. Ce sont eux qui donnent un sens concret aux politiques publiques, qui rappellent que, derrière chaque piste cyclable, il y a des visages, des familles, la vie qui trace son chemin.
Nos élu·e·s ont besoin de courage pour continuer à transformer nos villes, pour défendre des choix qui, parfois, dérangent, mais qui améliorent profondément la qualité de vie. Et ce courage, on peut l’alimenter en leur parlant, en les remerciant, en partageant nos histoires.
Parce qu’au fond, ce sont ces histoires qu’on n’entend pas assez — mais qu’on devrait écouter, amplifier et faire résonner.
– Jean-François Rheault, PDG