Pourquoi pas le Québec?

Jean-François Rheault
Le 18 mai 2022

En matière d’aménagements cyclables, les approches des villes comme Copenhague, Amsterdam, New York ou Vancouver sont différentes. Des différences de largeurs, de panneaux de signalisation, de couleurs, de matériaux, de feux de circulation viennent modifier les besoins, et les approches en matière d’infrastructures cyclables. Les citoyens, eux aussi, ont des comportements différents d’une ville à l’autre. Ils vont utiliser l’espace et s’approprier les aménagements à leur manière. Il est donc approprié de parler de différences culturelles dans les aménagements cyclables.

Selon moi, l’approche copier/coller d’un pays à l’autre n’est donc pas adaptée. Par exemple, séparer piétons et cyclistes sur un trottoir avec une nuance de couleur et de discrets pictogrammes fonctionne très bien à Göteborg en Suède, mais est un échec sur le boulevard De Maisonneuve, près de la Maison symphonique, à Montréal. Comprenez-moi bien, les meilleures pratiques existent, mais il y a des nuances dans leurs exécutions en fonction des cultures.

C’est Suzanne Lareau qui m’a parlé pour la première fois de Stein van Oosteren, alors qu’elle écrivait la préface de son livre Pourquoi pas le vélo? qui allait être publié aux Éditions Écosociété. Stein est un Néerlandais qui vit à Paris depuis quelques décennies. « Curieux », m’étais-je dit, « comment se fait-il que je n’en aie jamais entendu parler? ». À la sortie du livre, j’ai découvert un auteur pragmatique avec une vision éclairée sur les différents aspects du vélo. Son livre plein d’humour offre un accès privilégié sur la totalité de la pratique cycliste : aménagement, économie, barrières à la pratique, sécurité, mais aussi plaisir et liberté.

J’ai eu la chance de rencontrer Stein en septembre 2021. J’ai été foudroyé par son énergie et sa passion. D’une générosité et une curiosité sans limites, sa grande empathie rend chacune de ces rencontres uniques. Pendant plus de trois heures, nous avons échangé sans répit sur son travail et les raisons qui l’ont poussé à écrire un livre pour documenter ses expériences. À travers son implication bénévole avec le Collectif Vélo Île-de-France, il a découvert la force de l’intelligence collective et de travailler en groupe.

Son regard binational lui permet d’aborder les enjeux avec profondeur et perspective, de pouvoir nommer les différentes barrières à la pratique et de présenter des solutions concrètes. C’est ce qu’il a fait en France, et ce qui peut servir d’exemple pour le Québec. Arrivé à Paris avec une vision typiquement néerlandaise de la place du vélo en société, il s’est vite battu pour l’intégrer dans la capitale française et sa périphérie. Parti d’une visée modeste, il a semblé quasiment surpris d’être très rapidement pris au sérieux et écouté par les instances gouvernementales de la région.

En seulement quelques années, grâce au travail de gens comme Stein et la mairesse Anne Hidalgo, Paris s’est complètement métamorphosée. La circulation des voitures est toujours plutôt brutale dans les arrondissements parisiens, mais des pistes cyclables ont vu le jour un peu partout dans la ville. La rue de Rivoli est devenue un symbole de la réussite cycliste parisienne. La baisse de circulation causée par la pandémie n’a certes pas nuit à la réalisation rapide de ces projets, mais le constat est tout de même clair : c’est en voyant grand, avec des projets ambitieux, qu’on change les habitudes de déplacement des habitants d’une ville, et d’un pays.

C’est pourquoi, tout comme ce fut le cas pour Paris, il ne faut pas avoir peur des grands changements. Nous devons revoir nos espaces urbains, les réimaginer avec le transport actif comme point central. C’est grâce à cette envie qu’Amsterdam est passée d’une ville bourrée d’automobiles au paradis cycliste qu’on connait aujourd’hui. C’est de cette façon que Paris a pris un virage impressionnant en termes d’infrastructures cyclables en seulement quelques années. C’est donc comme ça que Montréal, et le reste du Québec, doivent penser l’intégration continue du vélo dans ses espaces routiers.

Diplomate à l’UNESCO pour les Pays-Bas, Stein Van Oosteren a un talent pour la vulgarisation et la communication. Cet homme énergique et passionné ne laisse personne indifférent. Le 2 juin prochain, Vélo Québec le reçoit dans le cadre du Festival Go Vélo Montréal pour une conférence inédite. Cette rencontre, offerte gratuitement, en personne ou en mode virtuel, sera une belle occasion d’entendre parler en français de l’approche néerlandaise en matière de vélo. Son expérience à Paris lui permet aussi de bien saisir les différences culturelles en matière d’aménagement. C’est une conférence à ne pas manquer.

 

Jean-François Rheault
président-directeur général

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