Et si l’on roulait à la vitesse du pas?

Suzanne Lareau
Le 23 juillet 2020

Si 2020 demeurait mémorable en raison de la pandémie, elle pourrait également rester gravée dans nos mémoires comme l’année où nous avons repris conscience de l’importance vitale de nos espaces publics. Poussées par les impératifs de distanciation physique, bien des municipalités auront enfin osé ouvrir (et non, comme on l’entend trop souvent, fermer) une partie de leurs rues pour les rendre aux humains. On aura ainsi vu fleurir des rues partagées, des rues apaisées, des rues « actives et sécuritaires », des rues de jeu libre, des rues piétonnisées, des vélorues, des pistes cyclables, permanentes ou temporaires… pour le plus grand bonheur des citoyens!

Malheureusement, là où la circulation automobile est restreinte, le vélo a généralement aussi été interdit. Sur les rues piétonnes, on exige souvent que les cyclistes mettent pied à terre 24 heures sur 24, 7 jours sur 7, qu’il fasse beau ou qu’il pleuve, qu’il y ait foule ou que la rue soit déserte. D’un côté, on se surprend que ces interdictions ne soient pas respectées et de l’autre, l’affichage de nombreux panneaux de signalisation laisse croire que cette interdiction de rouler pour les cyclistes repose sur un principe bien documenté : les cyclistes sont dangereux pour les piétons! Ce qu’aucune donnée statistique ne peut confirmer.

Et si nous faisions le pari que la cohabitation sur les rues piétonnes est possible avec les cyclistes? En Europe, les rues piétonnes qui autorisent les cyclistes à rouler sont chose commune. Plus proche de chez nous, le campus de l’université McGill invite piétons et cyclistes à se partager l’espace sans voiture, après plusieurs années d’interdictions vaines. Car il ne faudrait pas l’oublier : piétons et cyclistes ont beaucoup en commun et peuvent se côtoyer sans grand risque.

Voilà donc notre souhait pour cet été : profitons de l’extraordinaire laboratoire qui s’offre à nous, et faisons le pari que cette cohabitation est possible. Donnons-nous la chance d’ouvrir les rues piétonnes aux cyclistes, en faisant appel à leur jugement et en sévissant contre les cyclistes irréfléchis. En tant que cyclistes, soyons à la hauteur de cette confiance : adaptons notre vitesse aux piétons en roulant « au pas », et en leur laissant amplement d’espace, piétons et cyclistes n’aiment pas être frôlés par les plus rapides. Et si l’affluence de la rue l’exige, ayons le bon sens de mettre pied à terre.

Suzanne Lareau
Présidente-directrice générale

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