Le vélo et les fusions municipales sur l’île de Montréal

Le 19 juin 2001

En juin 2001, Vélo Québec a rencontré le comité de transition de Montréal, responsable de la fusion des municipalités sur l’île de Montréal pour s’assurer que le vélo ne soit pas oublié dans les discussions sur la répartition des pouvoirs entre la ville centrale et les arrondissements. Le document suivant a été déposé au comité.

L’importance du phénomène

La présence notoire de cyclistes dans les rues constitue l’un des phénomènes qui marquent le Montréal d’aujourd’hui. Les quelques éléments qui suivent donnent un aperçu du phénomène.

On évalue à plus de 1,1 million le nombre de bicyclettes possédées par les ménages de l’île de Montréal. Le nombre d’utilisateurs de ces bicyclettes s’élève à 710 000. Ces 710 000 cyclistes se répartissent ainsi :
• 560 000 sont des adultes et ils représentent 42 % des 18 à 74 ans résidant sur l’île de Montréal;
• 150 000 ont moins de 18 ans et ils représentent 65 % des enfants résidant sur l’île.

Entre l’après-guerre et les années 1960, la bicyclette a surtout été un jouet d’enfant. C’est au cours des années 1970 que le nombre d’adultes adeptes du vélo est devenu dominant. Ce vieillissement des cyclistes s’est accompagné d’une découverte du vélo comme véhicule urbain.

Ainsi, près de 145 000 résidents de l’île de Montréal, soit 26 % de tous les cyclistes adultes, déclarent se servir de leur vélo comme d’un moyen de transport. Dans certains quartiers centraux de Montréal, la bicyclette est utilisée dans 11 % de tous les déplacements pendant l’été.

La saison de vélo s’étend habituellement de la mi-mars à la mi-décembre, avec une période de pointe entre mai et septembre. Néanmoins, on retiendra que plus de 50 000 adultes résidant sur l’île de Montréal déclarent se déplacer en vélo entre décembre et mars.

Montréal est l’hôte d’événements cyclistes de grande réputation. Au premier chef, on citera le Tour de l’Île et le Tour des Enfants qui, depuis 1999, sont mis en marché sous le nom de Féria du vélo du Montréal (Montréal Bike Fest). La Féria du vélo de Montréal, qui se déroule entre le dernier dimanche de mai et la premier dimanche de juin, fait partie du Regroupement des grands événements majeurs internationaux du Québec.

L’île est aussi le théâtre de grandes compétitions internationales qui ont la singularité de se dérouler habituellement sur le mont Royal. Mentionnons la Coupe féminine du monde, dans laquelle la coureuse Geneviève Jeanson s’est distinguée en juin. On a vu aussi, dans le passé, les Jeux olympiques, les Championnats du Monde (en 1974), le Grand Prix des Amériques, la Classique cycliste de Montréal.

La réputation de Montréal comme ville cycliste se répand depuis une dizaine d’années. En 1992, Montréal a été l’hôte d’une retentissante conférence d’envergure mondiale portant sur l’intégration du vélo dans les politiques de transports. En 1999, le prestigieux magazine américain Bicycling a couronné Montréal première ville cyclable d’Amérique. Des journaux aussi importants que le Boston Globe et le New York Times ont consacré des articles importants vantant les charmes de Montréal sur deux-roues. Tourisme Montréal inscrit maintenant le vélo dans les atouts qui font de Montréal une destination urbaine incomparable.

Le Réseau vélo métropolitain

Avec l’appui du Ministère des Affaires municipales et de la Métropole, Vélo Québec anime une concertation des interventions vélo à l’échelle métropolitaine. Cette démarche, qui se réalise sous le nom Réseau vélo métropolitain, vise à unifier en réseau le parc discontinu de voies cyclables présent dans la métropole. Elle a également pour but d’intégrer le vélo au système de transport en commun.

Depuis que cette concertation est en œuvre, soit depuis 1998, celle-ci a entraîné le Gouvernement du Québec à investir une dizaine de millions de dollars dans les voies cyclables. Elle a aussi amené la réalisation d’études, de colloques techniques et de projets pilotes.

À l’heure actuelle, le Réseau vélo métropolitain se dessine ainsi : une dizaine de tracés, comprenant des raccordements métropolitains, des liens avec les aéroports et le projet pan québécois de la Route verte ainsi qu’avec les voies cyclables municipales. Le tiers des 600 kilomètres projetés est déjà réalisé. Le Réseau vélo métropolitain permet de faire le lien entre le niveau local de développement des aménagements cyclables et le niveau régional.

À terme, ce réseau métropolitain sera uniformément balisé et signalisé. Il permettra d’effectuer, en roulant constamment sur une voie cyclable, le tour de la région métropolitaine et de la traverser en différents axes du nord au sud ou d’est en ouest.

Un constat

Le territoire de l’île de Montréal est tapissé de quelque 345 kilomètres de voies cyclables, dont près de la moitié se retrouvent dans l’actuelle ville de Montréal. Dans les 28 municipalités de l’île de Montréal, le dossier vélo se voit accorder une importance très variable, ce qui se reflète dans la concertation intermunicipale pour le développement des grands axes. Un exemple illustre avec éloquence ce constat : le tour de l’Île qui a pourtant été entrepris au milieu des années 1980 reste encore inachevé.

Autrement dit, le réseau cyclable de l’île de Montréal est paralysé dans son développement depuis plus de 15 ans à cause de la multitude des centres de décision. En outre, cet état de fait a donné lieu à des normes variées d’aménagement et à des pratiques d’entretien différenciées d’une municipalité à l’autre. Bien plus, des services différents ont le mandat de s’occuper des pistes. Dans certains cas, les travaux publics sont les maîtres d’œuvre en matière de voie cyclables. Ailleurs, cette responsabilité échoit aux parcs ou aux loisirs. La ville de Montréal a innové, au début des années, en l’intégrant au service de la circulation (qui est devenu par la suite la division de la circulation et des transports).

Le vélo pourrait être un des bénéficiaires de la fusion de l’ensemble des municipalités de l’île. Dans la mesure où une seule administration est responsable du territoire, il sera possible de constituer un réseau unifié de voies cyclables et d’imaginer pouvoir traverser l’île selon plusieurs axes. L’unification de l’administration municipale permettra, dans la mesure où prévaudra un nivellement vers le haut, d’uniformiser les pratiques d’aménagement et d’entretien des voies cyclables. De plus, pour que ces bénéfices soient manifestes, il faudra que le vélo soit intégré dans la planification des transports et de la circulation au même titre que les autres modes de transport.

Le rôle de la ville centrale

Notre compréhension de la loi 170 est que la ville centrale détient le pouvoir de faire des pistes cyclables dans les rues. Si les arrondissements se voyaient octroyer le dossier du vélo, la situation actuelle qui fait que le réseau cyclable est en retard sur les besoins des cyclistes, se verrait perpétuer. Pour que le développement d’un réseau cyclable à l’échelle de l’île puisse être cohérent et coordonné, la planification d’un tel réseau doit être centralisée.

La planification centralisée permettrait d’identifier un réseau montréalais à l’échelle de l’île. Le schéma préliminaire ci-joint du Réseau vélo métropolitain en trace les grands axes.

Quel service?

La première génération de pistes a utilisé les espaces résiduels pour se frayer un chemin. Ces pistes ont longé les berges et participé au mouvement de reconquête des accès aux rives sur le pourtour de l’île.

Il est très difficile, pour ne pas dire impossible, d’obtenir un réseau continu sur toute l’île en restant dans les parcs. C’est pourquoi à plusieurs endroits, dont notamment dans l’actuelle ville de Montréal, une deuxième génération de voies cyclables a commencé à voir le jour. Ces voies cyclables sont essentiellement sur rue, au cœur des quartiers urbanisés.

La raison est simple, c’est le seul espace disponible. De plus, les utilisateurs de la bicyclette veulent pouvoir aller partout en vélo : à leur travail ou leurs cours, pour faire leurs courses et aller se divertir.

Ce qui fait que la planification d’un réseau cyclable n’est plus différente de la planification d’un réseau routier. Il s’agit de gérer des déplacements et d’organiser le partage de la rue entre les différents utilisateurs. La rue étant le domaine des travaux publics, le service de la circulation (travaux publics, ingénierie) doit être le responsable du dossier. C’est là que se retrouve l’expertise pour gérer les déplacements et mettre en œuvre un réseau cyclable sécuritaire.

Dans l’actuelle ville de Montréal, le dossier a migré du Service des parcs et espaces verts au Service des travaux publics et de l’environnement dans le courrant des années 1990. C’est ce que font les villes européennes et nord-américaines qui possèdent des populations cyclistes significatives. Il faudrait maintenir cet acquis.

Un bureau du vélo

Compte tenu de la taille de la prochaine ville de Montréal, un bureau du vélo devrait être mis en place à l’intérieur du Service de la circulation. Ce bureau rassemblerait une petite équipe multidisciplinaire. Il serait voué à la planification, à l’aménagement de voies cyclables ainsi qu’à l’éducation à la sécurité à vélo. Ce bureau serait en lien avec le Service de police ainsi qu’avec le Service des parcs lorsque les pistes existantes traversent les parcs de Montréal.

Grands événements cyclistes

Montréal est aussi le théâtre d’évènements cyclistes, telle la Féria du vélo de Montréal, dont le retentissement est international. L’encadrement municipal d’un grand événement comme celui-ci, qui emprunte des dizaines de kilomètres de rues et fait appel à une kyrielle de services municipaux et autres (pompier, police, événements spéciaux, hôpitaux, Urgence-Santé, etc.), doit être au niveau de la ville centrale. Dans la ville actuelle de Montréal, cette responsabilité échoit au Service des loisirs et cela pourrait rester comme tel. Le Service des loisirs pourrait aussi se voir confier la responsabilité de la promotion du cyclisme comme activité récréative, sportive et de loisirs.

×