La campagne électorale qui se termine a été pénible pour ceux et celles qui se préoccupent du développement du vélo. Avec tous les défis auxquels les municipalités doivent faire face, on devrait se réjouir que le vélo se porte bien. Pourtant, au fil de cette campagne, les candidat.e.s ont choisi d’utiliser le vélo pour polariser et brouiller les cartes sur nos réels défis collectifs en mobilité. Et ça, c’est très problématique.
Les citoyen.ne.s sont aujourd’hui bien en avance sur leurs élu.e.s. Selon un récent sondage Léger commandé par Vivre en Ville, 77 % des Québécois.es estiment qu’il est important que les municipalités mettent en place des aménagements améliorant la sécurité des piéton.ne.s et des cyclistes. Ce consensus social, clair et constant, témoigne d’une volonté de changement : les gens ont compris l’immense valeur des milieux de vie où il est sécuritaire et agréable de se déplacer autrement qu’en voiture.
Et pour cause : le Québec a fait des progrès remarquables ces dernières années. À Montréal, la part modale du vélo a presque doublé, passant de 6 % à 11 % dans les quartiers centraux en cinq ans. À Québec, le succès du service de vélopartage àVélo, qui pulvérise ses objectifs annuels à chaque saison depuis son lancement, illustre à quel point la population est prête à adopter ce mode de déplacement dès qu’on lui en donne les moyens. Les citoyen.ne.s ont changé leurs habitudes, il est temps que leurs élu.e.s fassent de même.
Pourtant, sur le terrain politique, les choses avancent trop lentement. En cette campagne municipale, nombreux sont les candidat.e.s qui se déclarent « pro-vélo ». Tous ou presque affirment croire aux bienfaits du transport actif, à la sécurité des déplacements et à la lutte contre les changements climatiques. Mais entre les déclarations de principe et les décisions concrètes, il y a souvent un gouffre.
Être véritablement pro-vélo, ce n’est pas simplement dire qu’on aime le vélo. C’est accepter que pour rendre nos rues plus sécuritaires et accueillantes pour tous, il faut parfois rééquilibrer l’espace public, c’est-à-dire, oui, retirer quelques places de stationnement ou réaffecter une voie de circulation automobile. C’est poser des gestes cohérents, pas multiplier les conditions qui paralysent toute action.
On reconnaît les faux appuis au vélo à certains arguments qui reviennent sans cesse, et qui, sous des airs de bon sens, reviennent à dire : « pas ici, pas maintenant ».
- On prétend que les pistes cyclables ne seraient pas assez sécuritaires — comme si l’absence d’aménagement était, elle, une garantie de sécurité. Pourtant, on ne remet jamais en question la sécurité des artères sans aménagements, là même où se produisent les collisions les plus graves. Ce deux poids, deux mesures en dit long sur leurs priorités.
- On affirme que ça coûte trop cher — alors que les investissements cyclables sont marginaux à l’échelle municipale : en 2025, la Ville de Montréal a investi 30 millions dans les pistes cyclables et 550 millions dans les infrastructures routières. Les dépenses liées au vélo représentent seulement 5 % de ce budget. Difficile, dans ce contexte, de soutenir que le vélo met en péril les finances publiques.
- On se dit favorable au vélo, mais pas au détriment du stationnement — autrement dit, on n’en fera jamais. À ce sujet, au centre de Montréal, c’est 36,5% des ménages qui ne possèdent pas de voiture. On peut se poser la question du stationnement sur rue pour qui?
- On juge toujours qu’il n’y a pas eu assez de consultation — oubliant qu’on ne peut pas espérer l’unanimité lorsqu’on bouscule les habitudes. Le statu quo, lui aussi, crée des insatisfactions. Aujourd’hui, à Montréal, la voiture occupe 98 % de l’espace de circulation, contre à peine 2 % pour les pistes cyclables. Il est temps de rééquilibrer la donne.
- Et plus récemment, on invoque d’autres priorités — l’itinérance, le logement, les infrastructures d’aqueduc, comme si favoriser des déplacements sécuritaires, économiques et écologiques était un luxe. En réalité, ces enjeux ne s’opposent pas : ils sont tous liés à la qualité de vie, à la santé publique et à l’attractivité de nos villes. Où est passée notre capacité à marcher et mâcher de la gomme en même temps?
Le meilleur emplacement est toujours ailleurs, le meilleur moment est toujours plus tard, et il n’y aura jamais eu assez de consultation.
Vivement la fin de cette campagne où nous avons collectivement raté l’occasion de discuter de la façon dont on doit développer le vélo et de la manière d’accompagner les citoyen.ne.s dans les changements nécessaires vers une mobilité plus diversifiée. Une campagne qui a instrumentalisé les aîné.e.s, les familles et les personnes à mobilité réduite, qui bénéficient pourtant largement des infrastructures cyclables et piétonnes, afin de défendre le stationnement sur rue utilisé par une minorité.
Peu importe l’issue des campagnes au Québec, la réalité rattrapera les candidat.e.s. Il n’y a rien d’exagéré dans les investissements faits dans le vélo au Québec. Quiconque ira au-delà des préjugés et des discours simplistes verra bien que ces investissements restent modestes. Au contraire, le vélo est une solution sous-exploitée et affirmer «qu’on aime le vélo» ne sera pas suffisant pour qu’il devienne une vraie solution pour le plus grand nombre.
Citoyen.ne.s cyclistes et allié.e.s du Québec, ne ratez pas l’opportunité de vous exprimer sur l’avenir de votre milieu de vie. Allez voter!
– Jean-François Rheault, PDG